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Pourquoi a-t-on de l'endométriose ?

Relu par Dr Pierre Panel, chirurgien gynécologue-obstétricien, spécialiste de l’endométriose

Prête ? On s’attaque ici à un gros morceau : les causes de l’endométriose

Cette question est l’une des plus importantes auxquelles les chercheurs tentent de répondre. Les explications évoquées sont nombreuses, mais dans les faits, on ne connaît pas vraiment les raisons expliquant pourquoi on a de l’endométriose. 

L’épidémiologiste Marina Kvaskoff explique, dans son interview accordée au mag Lyv, qu’il existe plusieurs pistes relatives aux origines de la maladie : génétique, immunitaire, hormonale, inflammatoire, lien avec les perturbateurs endocriniens… 

Sur cette question des causes de l’endométriose, il faut distinguer deux aspects : 

  • les facteurs de risque (alias les éléments qui influent sur le fait de développer ou non une endométriose) 
  • les mécanismes (c’est-à-dire les fonctionnements du corps qui favorisent l’apparition ou la progression de l’endométriose)

  1. Les facteurs de risque

Selon la Haute Autorité de Santé, l’endométriose est “une maladie multifactorielle, résultant de l’action combinée de facteurs génétiques et environnementaux, et de facteurs liés aux menstruations”. En bref, les facteurs de risque émanent à la fois de l’inné c’est-à-dire de nous-même, de nos gènes ET de l’acquis donc de ce qui nous entoure, de l’environnement dans lequel nous vivons. Des études sur des jumeaux ont ainsi permis de démontrer que la génétique et l’hérédité expliquent 50% des cas d’endométriose, et que l’autre moitié des cas sont expliqués par des facteurs liés à l’environnement comme les perturbateurs endocriniens. 

Les études scientifiques nous apprennent également qu’on aurait de plus grandes chances d’avoir une endométriose avec : 

  • un faible poids à la naissance
  • un jeune âge aux premières règles
  • des cycles menstruels courts (moins de 28 jours - les règles ont lieu plus fréquemment)
  • un indice de masse corporelle faible
  • un faible rapport taille-hanche
  • une faible parité (ne pas avoir ou d’avoir “peu” d’enfants - logique, nous direz-vous, avec un fort risque d’infertilité…) 
  • une utilisation de lits de bronzage (UV à bannir, sans parler des risques cancérogènes !)
  • une présence d’animaux de compagnie ou le fait de vivre dans une ferme pendant l’enfance
  • une exposition au tabagisme passif lors de l’enfance
  • une consommation d’alcool élevée
  • une exposition à des produits chimiques (perturbateurs endocriniens)

Focus sur ces fameux perturbateurs endocriniens. À ce sujet, les études révèlent des résultats parfois contradictoires quant à leur rôle. Certains seraient plus impliqués que d'autres dans l'apparition de l'endométriose. Le plus souvent retenu : l'exposition aux composés organochlorés (pouvant se trouver dans des solvants, pesticides, insecticides, fongicides…). L’épidémiologiste Marina Kvaskoff en parle en ces termes : “Il y a certains perturbateurs endocriniens qui ont été associés à un risque accru d’endométriose. Cela concerne les polluants organiques persistants (les POPS) : les polychlorobiphényles, les pesticides organochlorés, les dioxines. Ce sont majoritairement des perturbateurs qui ne sont plus autorisés dans la production industrielle”. 

Prudence toutefois dans l’interprétation des résultats des études. Définir ces substances comme “facteurs de risques” ne signifie pas qu’elles représentent un risque pour tous et dans tous les cas. Cela veut dire, en revanche, que, pour l’ensemble de la population, ces caractéristiques sont associées à un risque plus élevé d’avoir une endométriose. Nuance. 

À l’inverse, il semblerait qu’il existe moins de risque de développer une endométriose dans les cas suivants : 

  • âge élevé aux premières règles
  • cycles menstruels longs (plus de 28 jours)
  • IMC élevé
  • le fait d’avoir plusieurs enfants (toujours la même logique liée à la fertilité…) 

  1. Les mécanismes

Plusieurs théories existent sur le fonctionnement de l’endométriose et ses mécanismes. Chacune d’entre elles expliquent une partie des cas, mais aucune n’explique l’ensemble des cas. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que l’endométriose est une maladie terriblement complexe et qu’il est fort probable que plusieurs mécanismes soient impliqués dans son développement. S'il existe différentes théories, elles ne se contredisent pas et peuvent même sans doute co-exister et expliquer la diversité des endométrioses.

En 1927, le gynécologue John A. Sampson rédige un article sur la théorie longtemps considérée comme la référence : celle des menstruations rétrogrades

Cette théorie apparaît comme la plus “logique” pour expliquer les lésions d’endométriose les plus proches de l’utérus. Explications : l’endomètre, muqueuse tapissant l’intérieur de l’utérus, s’évacue à chaque cycle via le vagin, formant les règles. Gravité oblige (en position allongée par exemple), un phénomène physique naturel de reflux pourrait se produire, projetant les cellules endométriales vers l’extérieur via les trompes de Fallope. Ces dernières réagiraient à l'extérieur de la cavité utérine comme à l’intérieur en saignant à chaque cycle. Les amas formés par ces saignements non évacués infiltreraient petit à petit les parois sur lesquelles ils se trouvent (de façon plus ou moins profonde) et c’est ainsi qu’apparaîtraient les lésions et adhérences entre organes. Ces atteintes, étrangères et hostiles au corps, feraient réagir le système immunitaire qui renverrait un signal d’alerte sous forme d’inflammation chronique. Ainsi démarrerait le cercle infernal inflammation-dérèglement hormonal. 

Vu comme ça, ça tombe sous le sens. Le souci : cette théorie ne permet pas d’expliquer les lésions situées loin de l’utérus, comme sur le diaphragme ou jusque dans le cerveau.  

Pour expliquer ces cas d’endométriose extra-pelvienne, d’autres théories ont vu le jour. Parmi elles, la métaplasie coelomique

De son petit nom “métaplasie”, cette théorie consiste à dire que certaines cellules, certains tissus présents dans le corps se transformeraient sous l’effet de facteurs hormonaux ou immunologiques en tissus ressemblant à de l’endomètre, dotés des mêmes caractéristiques et se comportant de la même façon.

Autre théorie : celle des métastases lymphatiques et vasculaires basée sur le principe selon lequel les cellules d’endomètre seraient transportées par les vaisseaux lymphatiques et sanguins, validant la présence de lésions d’endométriose en dehors de la zone pelvienne. 

Enfin, l’une des hypothèses les plus probables et que nombreux défendent est que l’endométriose existerait dès la vie foetale. C’est ce qu’ont notamment démontré deux études italiennes du chercheur Pierto Signorile (sources ci-dessous) menées sur des fœtus de filles. Lors de l’organogenèse (le moment où les organes se forment chez l’embryon), des tissus d’endomètre se désagrégeraient en dehors de la cavité utérine. À ce propos, on sait également que c’est lorsque les organes génitaux se développent que l'exposition aux perturbateurs endocriniens est la plus dangereuse. C'est pour cela qu’il est d’autant plus important de manger bio et d'éviter la pollution pendant la grossesse.

En bref, plusieurs explications possibles mais aucune certitude et une grande inconnue : l'endométriose est-elle due à un dysfonctionnement du système immunitaire ou plutôt à l'inflammation ? Et bien… On ne sait pas vraiment. 

D'un côté, il est observé qu'un “comportement aberrant” des cellules immunitaires permet “l'implantation et la survie des lésions” d'endométriose. Pourquoi ? Parce que ce comportement aberrant des cellules immunitaires provoque une inflammation dont le but est de répondre à une “infection ou à un traumatisme”. Mais ce dérèglement est-il à l'origine de l'implantation de l'endométriose ou permet-il de maintenir l'endométriose en place au cours du temps ? Comment savoir s’il est lié et quand il est lié aux hormones seules ou à d’autres facteurs (perturbateurs endocriniens, génétique,...). Mystère…

Autre question : comment expliquer la progression des lésions, leur étendue ? Plusieurs éléments de réponses coexistent : 

  • le stress oxydatif (qui va agresser les cellules)
  • les hormones, notamment les oestrogènes qui permettraient la prolifération des lésions (contre laquelle la progestérone - pilule oestro-progestative ou progestative - fait barrière).
  • l’inflammation
  • le dysfonctionnement du système immunitaire

Exposer toutes ces théories, soulever toutes ces interrogations, entrer dans le détail des causes et facteurs de risques, c’est une fois de plus envisager la complexité de l’endométriose. Alors s’il ne fallait retenir qu’une seule information ici, ce serait bien la suivante : en l’état actuel, on ne peut ni affirmer, ni réfuter aucune des théories relatives aux causes de l’endométriose. Il se peut qu’une, plusieurs ou aucune ne soient vraies. On n’en sait rien et c’est exactement pour ça que nos yeux restent rivés sur la recherche sur la maladie et ses financements.

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