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Hystérie et utérus : une histoire sacrément névrosée

Publié le 
24/9/2021

Enquête - Écrire ce papier m'est venu comme une envie de p*sser. Non, comme une envie de gratter un bouton de moustique : chez moi, c'est encore plus pressant. « C'est dans la tête" ? »  Oh que oui. Avoir mal à espérer que l'on vous pique (et là, je ne parle pas de l'intervention d'un moustique), je peux vous garantir que oui, ça finit par arriver jusqu'à la tête. Que ça rend folle, même. Exemple : quand j'ai commencé à écrire ces lignes, il y a deux jours, j'étais en pleine crise d'endo'. Et clairement, j'en avais plein le dos. Quand vous êtes dans le Sud, avec toute votre famille et que la douleur vous prend, soudainement, qu'elle monte crescendo, que vous pouvez dire bye-bye au combo (de loin mon préféré) bière-pain-saucisson pour aller vous coucher, ouais, là, vous ragez. 


Endo-hystérie : pourquoi j'enquête 

Heureusement, quand j'ai commencé ce papier, la douleur s'était un peu calmée. En même temps, la crise n'était pas trop loin : c'était le moment parfait pour poser sur le papier ce que je vais appeler ici ma « rage de douiller » , couplée à celle d'avoir mis tant de temps (environ sept ans me concernant) à être diagnostiquée. Autrement dit, à être comprise, reconnue, accompagnée. En d'autres mots, à jeter à la poubelle l'étiquette d'hystérique qu'on peut me mettre… et que, malheureusement, il m'arrive aussi de me coller parfois, dans les pires moments de douleur. C'est typiquement le cas lors des pires crises d'endo que je peux traverser, au cours desquelles je deviens littéralement hors de moi : je souffre tellement, que je finis par faire une crise de nerfs, éclatant en sanglots et me roulant par terre... Ça, c'était ma (pas si) petite intro. Maintenant, place à l'histoire de toutes (endowarriors ou pas, d'ailleurs !) : depuis quand, pourquoi et comment en est-on venu à traiter les femmes, des siècles durant, d'hystériques ?! En sachant que parfois, c'est encore le cas. Grrr. En-do-quête sur le lien entre l'hystérie et l'utérus, l'hystérie et les douleurs de règles, ou encore l'hystérie et l'endométriose… au fil du temps. 

Définition : l'hystérie, en toute simplicity

Commençons par définir l'hystérie : cliniquement et d'après le Larousse, l’hystérie est une « structure névrotique de la personnalité, caractérisée par la traduction en symptômes corporels variés de représentations et de sentiments inconscients. » A priori aucun lien direct avec la douleur physique… jusque là. Pas de caractéristiques exclusivement féminines non plus. Alors… POURQUOI ?! Pourquoi l'hystérie est-elle (encore) associée aux femmes ? Et plus précisément à leurs maux ? 

L'hystérie, une histoire de femmes ? La faute à la Grèce Antique  

Définir un terme est une chose, revenir à son étymologie (autrement dit, son origine la plus ancienne) en est une autre. L'objet de notre enquête, l'hystérie, est donc issue du grec « hustera », qui signifie (et là, c'est le drame) « la matrice », ou encore « l'utérus ». Hm. À l'époque, lorsque le Larousse n'était pas encore de ce monde mais que les femmes, si, l'hystérie était donc considérée telle une maladie directement liée à l'utérus. Explication (attention, ça brûle) : à ce moment-là, l'utérus était clairement considéré comme un organe  « vagabond » dont le moindre mouvement pourrait causer toute sorte de symptôme. Pour aller plus loin, c’est la raison pour laquelle Hippocrate, le « Père de la médecine » prénommait l'utérus « un animal dans un animal », dont le caractère rebelle le pousserait à faire la fiesta dans la cage thoracique des femmes, ayant ainsi des incidences leur santé… et leurs humeurs. Ah. On y vient. C'est donc ici que la diabolisation du corps des femmes commence. 

Vous aussi, vous avez déjà entendu un médecin vous conseiller tout bonnement de tomber REGULIÈREMENT (Laughing Out Loud) enceinte pour pallier les symptômes de votre endométriose ? Déjà à cette époque, on conseillait aux femmes ce « remède », pour éviter que l'utérus se tape un sprint dans leur corps… Heureusement, à l'époque, une autre option est proposée, dans le cas où la grossesse n'arrange pas les « hystériques » à ce moment-là : éternuer. Un peu plus simple, certes, mais personnellement, j'ai du mal à le faire sur commande… Mais passons. Le point commun de ces deux « techniques magiques »  ? C'est déjà, à ce moment-là, aux femmes de trouver leurs propres techniques pour se soulager. 

L'autre problème ici est le suivant : l'allégorie (rien qu'un peu) douteuse entre cet animal baladeur et l'utérus est en réalité une image de la sexualité des femmes… Concrètement, l'hystérie était aussi prénommée « suffocation de la matrice », ou encore, abstinence sexuelle. Bref : la notion d'hystérie représente déjà un beau méli-mélo de notions liées à la fois à l'organe génital des femmes, à leur sexualité, à leurs douleurs… et à leur psychologie. 

Sorcellerie et hystérie : le combo issu du Moyen-Âge

Un peu plus tard, au Moyen-Âge, bye-bye la médecine et buongiorno le mysticisme religieux.  La star du moment, c'est clairement le puritanisme, et l'hystérie change d'étiquette. Dans l'imaginaire collectif, l'hystérie troque donc son lien à l'abstinence sexuelle… pour un lien à l'hyper sexualisation comme ça, sans transition. Bien évidemment, cette dernière est sévèrement jugée, puisque les femmes qualifiées d'hystériques sont déclarées « possédées par le Mal ». Toujours plus. Les femmes deviennent donc les ennemies numero uno de la période, sont fréquemment accusées d'être en proie à des troubles hystériques et in fine, de sorcellerie. Les objets de ces calomnies finissent donc pendues, noyées, ou encore brûlées vives. Cette mascarade dure jusqu'au mouvement des Humanistes (XVIème siècle), durant lequel le corps médical commence à défendre les victimes de ce système misogyne à souhait. 

Hystérie et neurologie : merci Cullen !  

Au XVIIIème siècle, le médecin et philosophe écossais Cullen introduit la notion de névrose, aka l'état psychologique qui suit un traumatisme plus ou moins récent, dans la médecine. Malheureusement, notre solution n'est pas trouvée pour autant : le seul remède proposé par les praticiens est de masser les organes génitaux des patientes, jusqu’au « paroxysme hystérique »… Et spoiler, cette pratique « pas très catholique » nécessite parfois un « marteau de Granville » (googlez-moi ça, vous n'allez pas être déçu·e·s !), objet (semblable à un instrument de torture !) inventé pour calmer les douleurs musculaires... qui devient  par la suite le premier vibromasseur. Alléluia. 

L'histoire ne s'arrête pas là. Au XIXème siècle, Charcot, le fondateur de la neurologie moderne, s'intéresse à l'hystérie dans le cadre de ses premiers travaux au sein du service de neurologie de l'hôpital de la Salpêtrière (dans le 13ème arrondissement de Paris). Le neurologue utilise l'hypnose pour « provoquer des crises chez ses patientEs et les étudier, en présence d'un public ». Respect. Is. Dead. Et d'ailleurs, petit détail qui est loin d'en être un, Erick Petit nous explique dans son interview pour Lyv qu'il s'agissait parfois de femmes en pleine crise d'endométriose...  Mais ça n'est (toujours pas) tout : il fait d'une de ses jeunes patientes, Augustine, âgée de seulement 14 ans, la coqueluche de la « Cité des femmes de la Salpêtrière. » La bourgeoisie parisienne s'empresse à son chevet, non pas par empathie, mais bien pour profiter du spectacle que représentent à ses yeux les crises d'hystérie de l'adolescente, qui finit par s'échapper littéralement de l'hôpital. Inutile de mentionner que cette fuite n'est pas une énième crise d'hystérie, mais bien une façon de se protéger. 

William Cullen

L'hystérie et les hommes : Charcot change son fusil d'épaule 

Malgré ses pratiques plus que choquantes, Charcot a quand même le mérite de mettre le doigt sur l’hystérie masculine. Plus tard, Freud, qui fut son élève, développe la théorie de son mentor en neurologie : pour eux, l'hystérie n'a pas de lien avec le système nerveux. Elle  est plutôt « causée par des événements traumatiques apparus plus tôt dans la vie du patient et s’étant enracinés dans la psyché jusqu’à leurs résurgences ». Sans oublier le caractère sexuel de l'hystérie : « entre la poussée de la pulsion et la résistance opposée par le refus de la sexualité, la maladie s’offre alors comme une issue, qui ne règle pas le conflit, mais qui cherche à y échapper en transformant les tendances libidinales en symptômes. » Soit. 

Jean-Martin Charcot

Hystérie = endo ? Toutes en  « maisons de fous » !   

Utérus + douleur = hystérie ? Comme 1 + 2 = 3, l'hystérie est longtemps confondue avec l'endométriose. Au XVIIIème siècle, par exemple (au moment où la névrose a fait son entrée en psychologie, remember),  la littérature médicale compile les symptômes de l’endométriose pour les attribuer à l’hystérie. Le Dr Erick Petit, radiologue spécialiste de  l'endométriose, explique dans son article « Histoire de l’endométriose de l’Antiquité à nos jours  » : «  Son origine psychoneurologique est affirmée avec une connotation morale péjorative et les femmes atteintes [ aussi bien par l'hystérie que par l'endométriose ]   sont considérées comme dérangées mentalement, l’enfermement en maisons de fous les guettant. » Hum. Okay.

Sigmund Freud

L'hystérie aujourd'hui

Au cours du XXème siècle, les théories développées par Freud ne cessent de faire l'objet de débats enflammés. Et aujourd'hui, tout ce qui touche à l’hystérie n'est toujours pas très clair. On a préféré rayer ce concept de la carte, en le faisant disparaître des classifications psychiatriques des troubles mentaux… au grand désarroi de certains psychiatres, pour qui hysteria is not dead. Des recherches récentes en neuro-imagerie fonctionnelle ont même été lancées sur l’hystérie, dans le but de poser (enfin) un diagnostic objectif… aussi bien chez les femmes, que chez leurs homologues masculin. Affaire à suivre, donc. Ce qui est sûr, c'est que les femmes n'ont pas arrêté d'être discriminées vis-à-vis de leur soi-disant «  hystérie féminine. »  Et le pire, dans tout ça, c'est que la plupart d'entre elles souffraient déjà physiquement - que ce soit des douleurs menstruelles, ou liées à l'endométriose… entre autres ! Le tout, alors que l'hystérie est à la toute base, et encore aujourd'hui, un trouble mental, ou encore de l'humeur. Point. Final. 


Pour aller plus loin : 

Le film “Le bal des folles”, de Mélanie Laurent, vient de sortir (12 septembre 2021) sur Prime Video. Tiré du roman éponyme de Victoria Mas, il relate les conditions de vie des femmes jugées folles et enfermées à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris dans les années 1880. LE BAL DES FOLLES Bande Annonce (2021)

Source

hystérie et utérus

Anaïs Koopman

Endogirl, journaliste et consultante éditoriale indépendante, je m'intéresse surtout à la santé des femmes, à la parité, à la culture, à la société et au travail… qui participent à la construction d'un monde meilleur !

Retrouvez moi sur Instagram : @anakoop

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