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Test salivaire de l’endométriose : une annonce précipitée ?

Publié le 
2/3/2022

Article mis à jour le 18/01/2024 (cf NDLR au bas de l'article)

Vous en avez certainement entendu parler : le 11 février 2022, une équipe française “associant des médecins experts de l’endométriose et les ingénieurs en intelligence artificielle de la start-up ZIWIG” a annoncé avoir créé un test salivaire pour diagnostiquer l’endométriose. “Ce test salivaire simple et non invasif, baptisé ENDOTEST®, est validé par le plus large essai clinique jamais réalisé dans ce domaine. Il permet la détection précoce de toutes les formes d’endométriose, même les plus complexes, avec une fiabilité proche de 100%”, a-t-elle annoncé dans la presse (1). 

Révolution ? Grande annonce ? Coup de com' ?

Cette nouvelle piste pour faciliter le diagnostic de l'endométriose a suscité une vague d'espoir, d'émotion, au sein de la communauté et au-delà. L'un de nos grands engagements, chez Lyv, c'est de faire de la rigueur scientifique notre cheval de bataille et de vous donner les clés pour décrypter. Débriefons ensemble le cas du test salivaire.


De quoi parle-t-on ?

C’est à partir d’une étude publiée dans le Journal of Clinical Medicine (JMC) que le test salivaire a été conçu (2). Une étude financée par la start-up Ziwig, ainsi que par le Conseil régional d’Ile-de-France, écrite par le Dr. Sofiane Bendifallah et supervisée par le Pr. Emile Daraï (son nom vous dit peut-être quelque chose ? Il est actuellement visé par de multiples plaintes pour violences gynécologiques, nous vous tiendrons informée.s des suites de cette affaire qui fait froid dans le dos en temps voulu). 

Cette étude que dit-elle ? Et bien, elle présente un travail de fou, qui a permis de décoder les gènes, en particulier les microARNs circulants, identifiants les personnes atteintes d’endométriose. Ces microARNs circulants se trouvent dans notre sang par exemple, mais aussi dans notre salive ! Ultra pratique, non ?

Basée sur 200 patientes (dont 153 avec une endométriose), l’étude a déterminé grâce au séquençage haut débit les 109 microARNs qui seraient impliqués dans l’endométriose, sur les 2 600 connus dans notre corps. 

Un test a été ensuite conçu, permettant d’identifier ces microARNs dans votre organisme, et donc de déterminer si vous avez une endométriose ou non (96% des patientes pourraient être diagnostiquées grâce à ce test). 

Ce test salivaire pour détecter l’endométriose est annoncé comme “une innovation mondiale”. En effet, à ce jour il existe seulement un seul autre test rapide de diagnostic de l’endométriose : un test sanguin, conçu en 2020 par la start-up américaine DotLab, nommé le DotEndo™. Ce test commence à être commercialisé aux Etats-Unis et doit être prescrit par un médecin. Il n’est pas disponible en France pour le moment.


Une piste très prometteuse dans le diagnostic de l’endométriose

L’étude du JMC démontre que, pour diagnostiquer l’endométriose grâce à un test, il faut regarder une centaine de microARNs et pas seulement un ou deux. Ce qui est une sacrée avancée ! Surtout, elle permet d’envisager un diagnostic moins invasif et compliqué, grâce à un simple test salivaire, fait chez soi et à envoyer au laboratoire. Ça fait un peu plus rêver qu’une IRM ou qu’une échographie endovaginale, non ?

Mais. Parce qu’il y a un mais.

La démarche d’annonce et la démarche commerciale sont un peu trop rapides par rapport aux réels résultats scientifiques. Le dossier de presse de Ziwig fait de nombreuses conclusions que l’on peut qualifier de “hâtives” voire même “exagérées”, comme :

  • “Endotest® de Ziwig rend obsolète la pratique de la coelioscopie diagnostique et devrait permettre d’éviter les interventions chirurgicales inutiles, notamment chez les patientes ayant une symptomatologie proche de l’endométriose mais non porteuses de la maladie.”

  • “Il devrait, à terme, permettre une réduction importante du coût médico-social de la maladie et contribuer à la démocratie sanitaire en permettant à toutes patientes, y compris celles résidant dans des déserts médicaux, de profiter d’un diagnostic fiable, précoce et non invasif.”

  • “Ainsi, Endotest® de Ziwig devrait révolutionner le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose et constituer une avancée majeure pour la santé des femmes.”

  • “Le test salivaire Endotest® de Ziwig permettra de réduire le délai moyen de diagnostic de 8 ans à quelques jours.”


Ces affirmations partent pour beaucoup de constats exagérés. Par exemple, rappelons qu’en France, selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (3), le diagnostic peut se baser de façon très fiable sur l’écoute des patientes, la symptomatologie et sur l’imagerie (même si rappelons le, dans les faits, dû au manque de formation des médecins, les examens menant au diagnostic ne sont pas encore bien menés et/ou bien lus - l'endométriose n'est enseignée en médecine que depuis 2020 ! Cela explique en partie le long délai de diagnostic). Contrairement à ce qui est dit dans le dossier de presse de Ziwig, la coelioscopie n’est pas l’examen de référence pour le diagnostic de l’endométriose en France. De plus, l’étude du JMC, comme le test en lui-même, présentent quelques limites. Décryptons ça ensemble.


Une étude scientifique qui présente des failles

Le type d’étude, AKA, le design 

L’étude aurait dû être un essai randomisé (c’est-à-dire se basant sur l’aléa) en double aveugle (4). Ici, les participantes ont été pré-sélectionnées, parce qu’elles avaient une endométriose, qui plus est, relativement “grave” car elles ont été opérées. Or dans ce type d’étude, l’objectif est plutôt d’avoir un ensemble de participantes conséquent, afin d’avoir des personnes atteintes, d’autres non, sans que les chercheurs sachent qui a une endométriose. Puis une fois les microARNs de chacune décodés, une comparaison est faite entre celles atteintes ou non d’une endométriose.

L’échantillon de population

L’échantillon (c’est-à-dire les participantes sur lesquelles est basée l’étude) doit être différent, car ici l’échantillon est biaisé. Il se base majoritairement sur des personnes atteintes de la maladie, avec des douleurs évocatrices d’une endométriose. Le Ministre de la Santé, Olivier Véran, a lui-même précisé qu’il fallait “pouvoir conforter ces données sur une cohorte beaucoup plus importante”, la taille de l’échantillon étant encore trop restreinte.

Un des reviewers (chercheurs qui ont pour rôle de relire et corriger les études avant qu’elles soient publiées) souligne que “cette population d'étude était composée de femmes qui étaient déjà assez avancées dans la voie du diagnostic de l'endométriose et on ne sait donc pas actuellement si cette signature de miARN serait performante comme marqueur précoce de la maladie chez les adolescentes et les femmes qui ne souffrent pas d'endométriose depuis aussi longtemps”.

Il faut comprendre que si le test a un taux de réussite annoncé aussi élevé (96% !), c’est fort probablement dû à ces biais d’étude : peu de femmes ; et uniquement des cas d’endométrioses opérées. Surtout, le test salivaire a été testé sur les mêmes 200 femmes qui composent l’étude des microARNs, et ne représentent certainement pas la grande diversité des cas d’endométriose qui peuvent exister. Ce test arrivera-t-il à diagnostiquer des jeunes femmes, des femmes ménopausées, des femmes avec une infertilité ?

Les facteurs de confusion

Les microARNs indicateurs d’une endométriose peuvent, pour certains, être les mêmes que ceux d’autres maladies, comme la maladie de Crohn par exemple. Il y a donc un risque de confusion et de mauvais diagnostic.

L’étude conclut d’ailleurs en disant : 

“Malgré certaines limites de l'étude prospective actuelle, nos données soutiennent l'utilisation d'une signature miRNA diagnostic de l'endométriose basée sur la salive dans les parcours de soins diagnostic, après une validation externe pour confirmer ces résultats.”


Les limites du test salivaire pour l’endométriose

Le coût du test salivaire

Nous avons l’habitude de parler de test rapide avec le Covid-19. Mais ici, les tests sont des séquençages à haut débit, et peuvent valoir plusieurs centaines d’euros (4) ! En attendant que ce possible test soit remboursé, les inégalités de santé risquent de se creuser. 

L’intérêt d’un diagnostic systématique

Le test salivaire aurait de grands bénéfices pour les personnes atteintes, mais nous pouvons aussi nous poser quelques questions d’intérêt de ce test : 

  • Comme le rappelle la Haute Autorité de Santé, l’endométriose peut être observée chez des femmes indolores et fertiles, il n’y a donc pas lieu de mener un dépistage en population générale mais uniquement un diagnostic chez les symptomatiques (3). 
  • Être diagnostiquée sans symptôme alors qu’il n’y a aujourd’hui aucun traitement curatif mais seulement pour les symptomatiques, est-ce intéressant ? Que faire dans ce cas ?

Pour rappel : on parle de dépistage pour désigner “l’ensemble des examens et de tests effectués au sein d'une population apparemment saine afin de dépister une affection latente à un stade précoce.” (Larousse) ; on parle de diagnostic comme de “l’identification (d'une maladie, d'un état) d'après ses symptômes”. (Robert)

En bref, le dépistage se fait au sein de l’ensemble de la population qui peut être atteinte, apparemment saine. Le diagnostic se fait au sein d’une population ayant des symptômes (douleurs, infertilité… dans le cas de l’endométriose). Avec le test salivaire pour l’endométriose, il faudrait donc veiller à ce que le test soit mené pour un diagnostic et non un dépistage systématique de la population, qui n’a pas de sens aujourd’hui.

Pour conclure

Loin de nous l’idée de vouloir jouer les rabat-joie, nous reconnaissons le travail des auteurs de l’étude scientifique, donnant un réel espoir pour l’avenir. Nous souhaitons pour l’heure nuancer les annonces qui ont suivi. Les reviewers s’accordent à dire que l’étude est très intéressante et prometteuse, mais l’un souligne que la conclusion de l’étude est surestimée : “Bien que ces résultats soient prometteurs, ils ne justifient pas une révision de la stratégie diagnostique actuelle”.

Reprenons les mots de Daniel Vaiman, directeur de recherche INSERM et responsable de l’équipe “Génomique, épigénétique et physiopathologie de la reproduction” à l’Institut Cochin, à Paris, au micro de France Culture le 14 février dernier : ce test est prometteur, mais il est “plus proche de la recherche que de l’application”, comprenez donc que sa commercialisation ne sera pas immédiate.

Mais laissons le temps au temps. Ziwig explique d’ailleurs dans son dossier de presse qu’une "nouvelle étude incluant 1 000 femmes et conduite dans cinq centres français référents vient d’être initialisée. Elle devrait permettre de nouveaux développements, notamment chez les patientes souffrant d’endométriose qui présentent une infertilité.”


Vous voulez avoir d’autres regards sur le sujet ? Plusieurs médias ont décrypté cette annonce, comme France Culture, Slate, Autour de l'Adénomyose et l'Endométriose pour la Recherche Scientifique(AAERS), National Geographic et même l’Inserm. On vous conseille d'aller y jeter un œil !

NDLR : de nouvelles études ont été menées par le fabricant depuis la rédaction de cet article. Ces nouvelles données ont été évaluées par la HAS en décembre 2023. Cette dernière a recommandé l'inscription du test salivaire ENDOTEST dans le cadre d'un forfait innovation. Le forfait innovation permet une prise en charge dérogatoire, sous certaines conditions, le temps que le fabricant puisse rassembler les preuves cliniques suffisantes à l'obtention d'un remboursement pérenne.

Source

  1. Ziwig. Diagnostic de l’Endométriose. ENDOTEST® Une innovation mondiale. Paris: 2022. 
  2. Bendifallah S, Suisse S, Puchar A, Delbos L, Poilblanc M, Descamps P, et al. Salivary MicroRNA Signature for Diagnosis of Endometriosis. JCM 2022;11(3):612. 
  3. Synthèse de la recommandation de bonne pratique. Prise en charge de l’endométriose - Démarche diagnostique et traitement médical. HAS - Haute Autorité de Santé ; CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français); 2017.
  4. https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-sciences/le-journal-des-sciences-du-lundi-14-fevrier-2022
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Redaction Lyv

Ecriture collective par Zélia, Marine, Mathilde et Laura

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